A la découverte du Koutammakou, le pays des Batammariba

Le paysage du Koutammakou, une grande zone semi-montagneuse est située au nord-est du Togo dans la région de la Kara, dans la préfecture de la Kéran et plus précisément dans la commune Kéran 3. Le site Koutammakou couvre une superficie d’environ 50.000 hectares et s’étend au-delà de la frontière du Bénin sur environ 15 kilomètres. Ce paysage culturel vivant est occupé par les Batammariba, peuple dont les remarquables maisons à tourelle en terre pure appelées Takienta et Sikien au pluriel, sont devenues un symbole du Togo.

Le Koutammakou est un exemple éminent d’occupation du territoire par ce peuple à la recherche constante de l’harmonie entre l’homme et la nature qui l’entoure. C’est un paysage évolutif où la nature sous-tend des croyances, des rites et la vie quotidienne. Il est composé d’éléments matériels tels que les roches sacrées, les forêts, les maisons, les champs, les sources de matériaux de construction, des animaux domestiques et sauvages. Les éléments immatériels sont entre autres les croyances, les compétences artisanales et les chants. Ce paysage Koutammakou dans son ensemble reste un reflet authentique d’un mode vie particulier où aucun élément du paysage n’est très ancien et des pratiques traditionnelles ancestrales sont maintenues afin de conserver l’authenticité de ce peuple.

L’histoire du peuple Otammari 

Les Batammariba, dont l’origine reste relativement incertaine, appartiennent à l’aire culturelle Paragourma en ayant des affinités linguistiques avec des ethnies notamment les Gangan, Gourma, Moba, Bassar et Nawda. La comparaison avec les traditions orales de ces groupes ethniques tend à supposer que le peuple Otammari vient des régions situées à l’ouest ou au nord-ouest des monts de l’Atakora, certains précisant le Burkina-Faso. Ils se seraient réfugiés dans la région naturellement peu accessible et donc bien protégée des monts de l’Atakora entre les 16e et 18e siècles pour mieux se protéger de la domination que cherchaient à imposer les royaumes Mossi, Gourmantché ou encore Mamprusi et Dagomba. Ces populations considérées comme particulièrement rebelles étaient appelées Somba au Bénin et Tamberma au Togo.

Le peuple Otammari était pendant longtemps resté réfractaire aux systèmes politiques centralisés et à l’asservissement, que ce soit celui imposé par des royaumes alors en formation en Afrique occidentale et plus tard par celui de l’administration coloniale. Quelques facteurs tels que l’éducation, la centralisation du pouvoir administratif, les religions importées, le tourisme, la monétarisation et l’application de nouveaux besoins, ont exercé une forte influence sur cette société traditionnelle et l’ont ébranlée. En dépit de cette menace de la mondialisation, des expressions culturelles et identitaires résistent. Il existe encore dans tous les villages des noyaux très forts et très durs constituant ce creuset où des éléments essentiels de la culture Tammari se meuvent et se perpétuent à travers le temps et l’espace.

La particularité du paysage culturel Koutammakou

Le paysage culturel Koutammakou possède une caractéristique toute particulière qui reflète la culture singulière Tammari, la Takienta. Il y a un excellent sens de l’intégrité en lien avec l’utilisation du bois sacré ainsi que des cheminements rituels et la conservation du mode de vie traduite par la construction des Sikien. Ces cases construites en terre cuite sont une spécialité qui fait l’identité et la fierté du peuple Otammari. Vitrines de la culture de ce peuple, les ‘’Sikien’’ révèlent un spectre très étendu de valeurs matérielles et immatérielles qui dépassent largement l’image d’une architecture remarquable. Grâce à des travaux cartographiques, différents points de collectes de ces habitats traditionnels ont été effectués et ont permis de dresser la nouvelle délimitation du périmètre de l’aire Koutammakou.

D’après les résultats des travaux d’inventaire effectués en octobre 2020, environ 1665 Sikien ont été répertoriés dont 1068 dans le canton de Nadoba, 476 dans le canton de Warengo, 83 dans le canton de Koutougou et 38 dans le canton d’Akpontè. La majorité de ces Sikien reste habitée mais il n’est pas rare de voir certaines habitations réduites à leur taille minimale par respect pour les ancêtres, les habitants préférant s’installer dans une maison rectangulaire avec toiture en tôle. Ils maintiennent une Takienta comme temple dédié au culte, c’est le reliquaire de la famille, qui malgré ses dimensions réduites garde toute la dimension spirituelle et ses valeurs architecturales. Quelques rares Sikien sont conservés comme le seraient des monuments classés telle la Takienta de Koubentiégou au Bénin, considérée la plus ancienne de tout le Koutammakou et devenue un lieu sacré.

La Takienta cet habitat familial de base dans lequel tout est à la fois technique, utilitaire et symbolique est unique en son genre. Nombre d’habitats de la région possèdent des dimensions symboliques assez fortes mais aucun ne possède une interrelation aussi étroite que celui du peuple Otammari. Ce type d’habitat particulier dont l’esthétique repose sur des formes spectaculaires est le résultat du génie créateur des Batammariba, « ceux qui façonnent la terre » ou par extension « les bons maçons » d’après la traduction de certains anthropologues.

Réhabilitation du site touristique Koutammakou

Actuellement le site touristique Koutammakou est en dégradation et risque de perdre ce prestigieux label et l'activité touristique induite. Afin de permettre à ce site de profiter à toute la communauté de l’espace classé et de ses environs, le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé a commandité une étude de valorisation de ce site qui a été bouclée et validée en décembre 2022. A l’apothéose de la célébration de la fête traditionnelle « Tislim-Difoini-Oboudam », le ministre en charge de la Culture, Kossi Gbényo Lamadokou a souligné que « ce projet d’investissements dans les infrastructures et ouvrages de développement d’une valeur de 3.152.875.808 FCFA, vient d’être inscrit au PIP et entrera en exécution dès l’année prochaine ». Farrida OURO-ADOÏ et Patrick Palamwé ASSIH (ATOP-Kantè)

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