Pour leur première tournée de spectacles à l’intérieur du pays et leur premier contact avec les jeunes des Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) du Togo, le groupe les Nana Benz du Togo (NBT) a soulevé des foules enthousiastes et embrasé des jeunes et des moins jeunes à Tchamba, Sokodé et Notsè. C’était du 16 au 20 octobre 2023 à l’occasion de la première édition de « CLAC en scène », un projet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).

Les Nana Benz du Togo : tisser la nouvelle corde au bout de l'ancienne

Grâce à sa sélection pour le compte du projet « CLAC en scène » de l'OIF, le ministère de la Culture et du Tourisme à travers les CLAC du Togo a bénéficié de l'appui financier de l'OIF pour organiser du 16 au 20 octobre 2023, la tournée des Nana Benz du Togo. Un véritable succès en termes de mobilisation de publics et de qualité de spectacles.

En effet, on commence de plus en plus à découvrir ou à s’habituer au groupe les Nana Benz du Togo. Ces jeunes dames au nombre de trois : Lady Apoc, Izealedu et Parus Kekeli, à la fois chanteuses et instrumentistes (percussion et piano) tracent résolument leurs sillons dans les pas de leurs prestigieuses « mères » vendeuses de pagnes, dont la dernière, Madame Dédé Rose Creppy a été conduite à sa dernière demeure à Aného le 5 juin 2023.

Comme les renommées Nana Benz qui se sont fait une solide et légendaire réputation, au Togo et au-delà des terres africaines, les « nouvelles » Nana Benz du Togo, appuyées par des batteurs infatigables, Toto Tchilatchi et David Kasankou confirment par la musique qu’on peut compter sur des femmes pour conduire un développement durable et participatif et faire avancer des causes dont celles de la musique et de la promotion artistique et culturelle. Pour preuve, avant la tournée endiablée des CLAC, elles ont bouclé avec succès, une tournée européenne qui les a conduites en France, Hollande et Belgique.

Les Nana Benz séduisent les jeunes des CLAC

Dans une démarche originale, le groupe puise son inspiration dans la sève vivifiante de la tradition vaudou tout en se greffant sur des aires de modernité et de contemporanéité : cela donne le « Digital Vaudou », une musique inspirante et envoûtante enrichie aux sources de rythmes vaudou, techno et disco ; un ensemble original soutenu par de fortes énergies de ces dames et hommes, véritables bêtes de scène capables d’entrainer des foules de mélomanes pendant des heures.

Elles étaient attendues dans les CLAC ; en témoigne la mobilisation exceptionnelle des jeunes usagers de ces lieux, avides de lecture, de loisirs et d’animations culturelles de qualité. Dans leurs attentes de loin pas du tout passives et dans leurs préparatifs, on a vu de ces jeunes accompagner de leur propre chorégraphie, les rythmiques endiablées des Nana Benz du Togo. Il y en a qui se sont frayé des espaces de danse dans lesquels ils tournoyaient joyeusement tout au long des après-midis de spectacle.

Au cours des matinées, un certain nombre a suivi l’éloquence de ces dames qui montre qu’elles n’ont pas déserté l’école très tôt. Parmi les sujets abordés, nous avons notamment ceux liés évidemment à la protection de l’environnement, à la création artistique originale, au financement de la culture, aux défis liés à la circulation des œuvres et des artistes dans leurs propres pays, à la recherche identitaire, à la promotion et à l’émancipation de la jeune fille et de la femme africaines empêtrées dans des traditions patriarcales. Devant l’énergie du groupe, un compatriote s’est écrié : Ces femmes ne devraient pas s’appeler « Nana Benz » mais « Amazones » !

Le vaudou, la protection de la nature et l'émancipation de la femme

Il faut insister sur le fait que le groupe Nana Benz du Togo revalorise le vaudou, la religion traditionnelle. Pour les NBT, le vaudou a été à tort dénaturé et diabolisé. « Car, en s’appuyant sur les quatre principes ou éléments naturels : eau, terre, feu et air, le vaudou repose sur l’écoute (vaudou signifiant consulter) et la protection de l’environnement (comprendre l’ordre sous-jacent du monde) qui aujourd’hui sont une préoccupation tardive des sociétés occidentales, très tôt, nos ancêtres ont compris que si l’homme s’attaque à la nature, il s’attaque ipso aux conditions de sa survie existentielle, courant par conséquent le risque de perdre sa propre vie ».

Un autre combat des Nana Benz est la protection et l’émancipation des femmes et des jeunes filles dans des sociétés africaines phallocratiques, machistes et à dominance patriarcale. Pour les NBT, tout est lié : « Qui ne respecte pas la femme, ne respecte pas la nature », l’humanité ayant sa source dans le sein maternel.

Les NBT poussent leur engagement de protection de l’environnement jusque dans le recours à des objets de récupération constituant leur batterie dénommée « Do it yoursel » (fais-le toi-même/faites-le vous-mêmes) issue de 100% de récupération : une valise vintage, des ustensiles de cuisine, de grosses boîtes plastiques servant de Tom ; ou encore la basse baptisée « Gazé Tuyau » faite à base de tuyaux PVC et dont les sons sont extraits avec art des tuyaux par des semelles de chaussures à usage courant. Bien évidemment, il y a aussi le recours à la fois aux instruments traditionnels, les clochettes et aux instruments modernes, le tambourin et le synthétiseur.

L'OIF et le Projet CLAC en Scène du Togo

Le responsable national des CLAC, M. Kodjo Cyriaque NOUSSOUGLO qui se dit très satisfait de la tournée, indique que celle-ci « révèle la capacité de mobilisation des CLAC, leur assise dans les villes de leur implantation et les défis logistiques que la plupart de nos villes doivent relever, en termes d’accueil de spectacles grands publics. » Pour lui, « il va sans dire que les CLAC ont besoin également d’aménagements de scènes extérieures pour le confort des publics se déplaçant en grand nombre ».

L’OIF, co-organisatrice de la tournée, a été représentée par Mme Isabelle BA. A l’étape de Notsè marquant l’apothéose, l’équipe conjointe du Centre national de lecture et d’animation culturelle (CENALAC) et de l’OIF a été rejointe par M. Bakary BAMBA dépêché par madame la représentante de l’OIF pour l’Afrique de l’Ouest, Mme Thi Hoang Mai TRAN, en mission hors du pays.

Il faut rappeler que le projet « CLAC EN SCENE » dont bénéfice le Togo dans cette nouvelle phase a été mis en place en 2021. Son but est de promouvoir la circulation et la visibilité des artistes dans les réseaux des centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) en offrant aux artistes l’opportunité de se produire dans leurs territoires en dehors des centres urbains et des circuits habituels de représentations et aux populations, la possibilité de bénéficier d’une chance de découvrir la richesse de la création culturelle francophone contemporaine dans leur propre pays de sorte à consolider l’appartenance à cet espace particulier. Des pays comme les Comores, le Burkina Faso et le Niger en ont bénéficié à la phase pilote. C’est au tour de 7 autres d’en bénéficier dans cette nouvelles phase ; il s’agit du : Sénégal, Gabon, Comores, Burundi, Centrafrique, Niger et Togo. Farrida OURO-ADOI