Dans le cadre de la première édition du Festival International du Cheval de Sokodé (FESTICS), le comité d’organisation a jugé important d’éclairer la population sur l’histoire de la cavalerie de la préfecture de Tchaoudjo. Pour cela, un enseignant vacataire au département d’histoire de l’Université de Lomé, Dr Halourou MAMAN a été contacté pour mener des recherches dans ce domaine. Nous vous présentons dans cet article les résultats de ses recherches.
Introduction des guerriers Sémassi en pays Tem
L’introduction des guerriers Sémassi en pays Tem est à l’origine des guerriers de Tchouadjo. Sept vestibules postulent à la chefferie traditionnelle dans la préfecture de Tchaoudjo. Ces sept vestibules sont : Tchavadé, Kpangalam, Kparataou, Komah, Birini, Katambara et Yelouvo. Au début des années 1800, le pouvoir centralisé devrait quitter Yelouvo pour arriver à Tchavadé selon la règlementation de la désignation de la chefferie traditionnelle. Mais en quittant Yelouvo pour Tchavadé, un roi a usurpé le pouvoir par force. Il est de Kparataou et il s’appelle DJOBO Boukari et on le surnommait Sèmon et c’est lui qui est à l’origine de la création de la cavalerie guerrière dénommée Sémassi. En fait, s’étant rendu compte qu’il devait usurper le pouvoir en dérogeant à la règle de succession, il a créé une armée forte et solide composée de chevaliers qui portaient des bonnets rouge et qu’on a surnommé Sémassi. Sèmon en Kotokoli signifie ce qui est rouge et le pluriel est Sémassi.
Le roi Djobo Boukari qui s’est fait surnommé Sèmon ou qui se dit OURO ESSO a créé une armée forte composée de mercenaires et ceux-ci ont été recrutés dans le Sahel au Niger et autres. Ils sont venus entrainer les gens de la communauté Kparataou à combattre véritablement avec les chevaux et quand ils l’ont appris, ils ont été renforcés dans leur rang en créant une armée très forte qui dès l’annonce du décès du roi à Yelouvo est allée prendre par force l’œuf d’Autriche. En fait comme il y avait cette vestibule qui détient la chefferie traditionnelle, le putschiste a construit son vestibule et au sommet des vestibules on met l’œuf d’Autriche, ce qui démontre le sommet de la chefferie traditionnelle en pays Tem. Dès qu’un roi décède, l’œuf d’Autriche est transféré dans le village qui succède. Ce n’est donc pas le tour de Kparataou quand OURO DJOBO Boukari, s’étant renforcé ou bien étant pertinemment persuadé qu’il dispose d’une armée forte qu’il a vaillamment constitué est allé combattre la communauté de Yelouvo pour arracher de force l’Œuf d’Autriche et l’installer à Kparataou en tant que symbole de la chefferie traditionnelle en pays Tem.
Ce coup de force coïncidait avec l’arrivée des allemands au Togo en 1864 pour conquérir le territoire. Ayant pris le pouvoir par la force, DJOBO Boukari était soutenu rien que par la communauté de Kparataou et la forte armée qu’il avait constitué. Les autres communautés le boudaient puisque la chefferie traditionnelle n’a pas suivi les règles de succession. Le village de Tchavadé qui devait succéder à celui de Yelouvo a commencé par combattre le village de Kparataou et il a été vaincu par le village de Kparataou grâce à l’armée de Djobo Boukari. C’est ainsi que OURO Djobo Boukari se rendra célèbre avec sa forte armée puissamment constituée de chevaliers.
Les Allemands sont arrivés à Tchaoudjo dans les années 1900. Ils vont rencontrer le roi OURO DJOBO Boukari qui, au lieu de combattre les allemands a plutôt noué une collaboration avec eux. Il devait trouver l’opportunité de collaborer avec les allemands pour continuer par maîtriser le peuple qui le boudait. C’est ce qui explique la collaboration de OURO DJOBO Boukari avec les allemands.
« Voilà un peu comment l’armée des chevaliers a été introduite en pays Tem et qui fait la célébrité du pays Tchaoudjo à travers le nom qu’on donne à l’équipe de Sokodé qui s’appelle les Sémassi de Sokodé qui veut dire les guerriers de Sokodé« , Dr Haloureu MAMAN.
L’importance du cheval en pays Tem
Le cheval représente pour les Tems une importance capitale. D’abord c’est un moyen de déplacement rapide dans les années où il y a ni voiture, ni route, ni un autre moyen de déplacement moderne. Le cheval était le moyen de déplacement le plus rapide. Même en Europe au cours de la première guerre mondiale quand lorsqu’on n’avait pas encore inventé les chars et les avions de guerre, les armées se déplaçaient à travers les chevaux. Les armées, notamment l’armée française était essentiellement constituée de cavaliers. Donc les chevaux constituaient un élément de bataille lors des affrontements.
Parlant du deuxième symbole du cheval en pays Tem, Dr MAMAN rappelle que lorsque le chef traditionnel souhaite bénéficier du respect en tant que chef traditionnel qui surplombe tout le pays Tem, il doit avoir un cheval. C’est le cheval qui met la différence entre le chef, le roi de tout le royaume Tem et les autres administrés.
Le troisième élément est que le cheval représente un pouvoir spirituel et le chef a toujours un cheval et celui-ci est toujours attaché dans le vestibule. Il est entretenu et il peut arriver même que le chef ait faim, mais qu’il privilégie son cheval, parce que son cheval représente son identité, en d’autre termes le cheval est l’identité de la chefferie traditionnelle. Ce cheval est lié spirituellement avec toute la communauté que le chef dirige, parce qu’il est aux yeux du roi l’animal prévisionniste. Lorsque le chef ou le village est en danger, le cheval peut pousser certains cris annonciateurs ou des cris de présomption qui alertent le chef sur le danger ou sur l’évènement qui pourrait arriver et expressément, on cherche des voies et moyens pour conjurer le sort et éviter le pire. Le cheval a donc une dimension spirituelle en pays Tem et on entre dans le vestibule du chef par la porte principale où est attaché souvent le cheval. Là également on suppose qu’il est là pour repousser les esprits maléfiques.
Lorsque vous analysez toutes ces dimensions spirituelles du cheval dans la communauté Tem, notamment au niveau de la chefferie traditionnelle, vous allez vous rende compte que le cheval est bien entretenu, on colore ses cheveux, on en prend soins, il est mis au propre et on le dresse. Il devient en fait le compagnon du chef. C’est pour cette raison, qu’auparavant en pays Tem, lorsque le roi meurt on assassine en même temps son cheval. Lorsqu’on laisse le cheval en vie, ça donne l’impression que la spiritualité du roi défunt continue par vivre. Le cheval du roi est mangé cru publiquement et celui qui mange le cœur doit faire partie de l’équipe ou du comité restreint qui doit désigner le prochain chef ou roi de la communauté Tem. Farrida OURO-ADOÏ Crédit Photo : Enok TSEVI