Lomé, 10 Septembre 2024 - Cet habit traditionnel, apparu vers le XVIIe siècle au Ghana, et ses motifs colorés, sont devenus un des symboles majeurs de l’artisanat africain, s’exportant aujourd’hui dans le monde entier. Mais, plus qu’un vêtement, le Kenté porte en lui une histoire, celle Ghana, mais aussi des tisserands qui se transmettent ce savoir-faire de génération en génération.
Un fil pourpre, un fil vert, un fil orange, et on recommence… Assis face à son métier à tisser, Emmanuel Osei, 39 ans, s’évertue à réaliser l’un des Kenté les plus complexes. « On appelle celui-ci Asasia, ce qui signifie "Sept mains", parce que l’on tire sa main sept fois, détaille-t-il. À chaque fois que la navette arrive dans ma main droite, j’appuierai en même temps avec ma jambe droite. Et à mesure qu’on avance, on voit apparaître le motif. » Ce Kenté sera terminé dans cinq mois environ, toujours fabriqué selon cette technique immuable, vieille de plusieurs siècles. Un art qu’Emmanuel a appris ici, à Bonwire, par son oncle, il y a maintenant 25 ans. « Quand je tisse ce Kenté, je maintiens le travail de mes ancêtres en vie. Si nous arrêtons tous de tisser, qui va le faire ? », s'inquiète-t-il.
Pour perpétuer l’artisanat du Kenté, plusieurs centres d’apprentissage ont fleuri au Ghana, principalement dans les régions Ashanti et Ewe. Celui de Bonwire a été créé en 1995 ; Eric Kwarteng en est aujourd’hui le président. Et ce qui est sûr, c’est qu’il ne prend pas sa mission à la légère. « Je me fie toujours à la tradition, affirme-t-il. Avant que l’on puisse t’appeler Maître-tisserand, tu dois connaître toutes les différentes techniques : le tissage unique, le tissage double, le tissage triple, mais aussi les couleurs, les motifs, etc. »
Vêtement dédié aux rois Ashanti à sa création au XVIIe siècle, le Kenté se porte aujourd’hui à même le corps, mais aussi en chemise ou en robe. Ses motifs géométriques toujours chargés en symbole. Exemple au musée du Kenté de Bonwire, avec une photo du premier président du Ghana, Kwame Nkrumah. Les explications du guide, Nana Akwasi.
« Il porte un magnifique Kenté, que l’on appelle Sika Futoro, ce qui signifie poussière d’or, explique la guide du musée, Nana Akwasi. La couleur rouge y représente la passion, mais aussi le sang de nos pères lointains ; nous avons aussi le vert qui représente le renouveau et la croissance ; puis nous avons le jaune qui représente la fertilité ; et nous avons le noir qui représente la maturité, la spiritualité et l’unité entre nos ancêtres. »
Aujourd’hui, le Kenté a largement dépassé les frontières du Ghana. Un pays qui, selon Nana Akwasi, ne pourrait rêver de meilleurs ambassadeurs. « Quand vous voyez le Kenté, vous voyez une représentation iconique de notre histoire, philosophie, tradition orale, religions, croyances, même de notre pensée politique, selon elle. Le Kenté s’exporte aussi comme un des symboles majeurs de notre héritage africain, à travers sa diaspora. Il n’y a donc aucune chance que le Kenté ne perde de son authenticité. » RFI