Tradition : Quelle est l’origine des Balanka  ?

Le nom Balanka, en langue locale Bã Laakã, vient d’une erreur de compréhension et de traduction. Selon la légende, en 1890 deux émissaires blancs Francis LACOUR et BONIN de l’administration coloniale, venus d’Adjassè (Porto Novo) pour régler un litige entre les populations de Balanka et les éleveurs transhumants Yoruba, furent agressés et tués par des chasseurs et guerriers sous la conduite de Kondoh Otikpa. Cet incident entraina de vives
représailles de l'administration coloniale avec l’incendie et le pillage du village. La population se dispersa dans la forêt durant des mois, voire des années. Certains partirent rejoindre leurs frères à Bassida, d’autres vers Kaboli, Koussountou, Kolomi et Dantcho.

Des années après, le village se reconstitua. L’administrateur colonial vint, accompagné de sa suite et des membres de la famille des victimes, pour la réconciliation et retrouver les restes de LACOUR et BONIN. À la question de l’administrateur colonial de connaitre le nom du village, l’interprète comprit qu’il leur était demandé, « Pourquoi les Blancs avaient-ils été assassinés ? ». Il répondit : bã laakã ! C’est-à-dire : c’étaient eux qui avaient provoqué ! C’étaient eux les fautifs ! Et le blanc écrivit : Balanka.

Historique de Balanka

Balanka, de son vrai nom Oulamboula ou Oulèmbilè est créé par un homme, riche et puissant, adepte de la divinité Ossoumaré, dieu arc en ciel, d’où son nom Ossoumaré Bò-Idî, connu aujourd’hui sous l’appellation Olossoumaré Bodi. Il est difficile de dire avec précision l’année de création de la petite ferme qui se développa pour devenir aujourd’hui Balanka. L’histoire de son peuple depuis ses origines au-delà du haut Nil en passant par l’Afrique centrale plus précisément le Tchad, puis le Nigéria et le Dahomey (Nikki et Kon-Nah) permet de situer sa création dans les années 1800.

D’origine Yoruba, Ossoumaré Bò-Idî vient s’installer d’abord sur la montagne de Savalou au Dahomey d’où il sera chassé plus tard. Dans sa recherche d’un nouveau refuge, il rencontre Sabi Odèn, le fils cadet de Omon Ogou Olissèn Oli Broukou, ancêtre des Balanka, dans la forêt Igbo Anna (la forêt des Ana). Ensemble, ils ont créé une ferme qu’ils ont nommé Igbo Bido.

À Igbo Bido, Sabi Odèn et Oussoumaré Bò-Idî exercent leurs activités : l’un la chasse et la conquête des forces occultes et l’autre, la médecine traditionnelle et la recherche mystique. Alors que Sabi Odèn avait la réputation et l’habitude de "fermer" le site et de le rendre invisible aux gens afin d’assurer sa sécurité, son ami Oussoumaré Bò-Idî qui croyait fermement à la protection du dieu arc-en- iel (Ossoumaré), préférait rendre la ferme accessible à tous pour pouvoir
développer ses activités. Il n’était pas chasseur, mais guérisseur, charlatan, chercheur, medium grâce à sa calebasse magique et avait besoin de s’ouvrir à d’autres peuples. Celui-ci demanda à Sabi Odèn de lui trouver un autre site où il peut s’installer.

Sabi Odèn conduisit Oussoumaré Bò-Idî dans la forêt de Balanka appelée Goulamboul Rou pour une partie de « chasse longue ». Grâce à la calebasse magique, Ossoumaré Bo-Idi comprit que l’endroit était favorable et créa alors sa ferme « Bido Guèguèrè ». Il sera rejoint par son ami Sabi Odèn et ensuite par les cousins et cousines de celui-ci. La famille de Olissèn Omogou Oli Broukou recommence à se reconstituer autour de Ossoumaré Bò-Idî. Les descendants d’Adjana, venant de Kérou notamment Affo Kankan Woré, Affo Gadomi et Bohm arrivèrent aussi. Bido Guèguèrè est donc le tout premier nom du hameau qui va se développer pour devenir Balanka. Bido qui veut dire la ferme dans la langue Ana d’origine, a donné l’appellation Bédou. C’est ainsi que les Ana de Goubi, de Kaboli et de Manigri au Bénin ne disent pas Balanka, mais Bédou.

L'histoire raconte aussi qu’après avoir ordonné à ses enfants (des deux sexes) de se disperser chacun selon ses pouvoirs et ses moyens, c’est par ces termes que l’ancêtre des Balanka disparut pour toujours dans la nature de la forêt de Kon Nah en grimpant dans l’arbre séculaire et fétiche et en y laissant des traces encore visibles aujourd’hui sur son tronc. C’est Oulaam Aboulah qui donna le vrai nom Oulamboula ou Oulambilè qui, malheureusement, ne figure encore dans aucun livre d’histoire, ni de géographie du Bénin ou du Togo.

Connus pour leur caractère d’hommes et de femmes irréductibles et insoumis, ce sous-groupe Anii doit son nom à ce caractère. Balamboulnia qui signifie ceux qu’on a soumis et triomphé en vain. En effet, grâce à leur vie en forêt et à leur maitrise des secrets de la chasse, ce sont de véritables guerriers avec qui beaucoup d’autres peuples avaient dû signer des pactes de sang, en vue de la paix durable et définitive avec eux.

Ceux qu’on appelle aujourd’hui les Balanka (Balamboulnia) font partie du vaste groupe ethnique et linguistique nommé Anii, localisé de part et d’autre de la frontière du Togo avec le Bénin dont les populations se retrouvent au Bénin, dans les localités de Bassida, Pénéssoule, Pénélane, Bafolanghi et au Togo dans les localités de Kolomi et de Balanka.

Le village de Balanka est situé dans la région Centrale au nord du Togo, à 35 km au sud-est de la ville de Tchamba et à 3 km de la frontière avec le Bénin. Il compte aujourd’hui plus de 8 000 habitants. Farrida OURO-ADOÏ, histoire écrite par Issahou Affo DJOGOU.

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