Le 23 mai est la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale. La fistule obstétricale, lésion liée à l’accouchement prolongé dont l’impact est dévastateur, est une question négligée de santé publique et de droits humains. Deux millions de femmes vivant dans des communautés à faible revenu souffrent de fistule obstétricale et 100 000 femmes supplémentaires en développent une tous les ans. A l’occasion de cette célébration, la sage-femme, Mme Léa KENOU KOTY a accordé une interview à la rédaction de Alafiakultur média. Elle nous dit davantage sur cette maladie.
Alafiakultur média : Qu’appelle-t-on fistule obstétricale ?
Mme KENOU KOTY : Donner vie est une succession de phases de joie et parfois de peine. Dans certains milieux, nous observons des pathologies qui constituent de véritables poisons dans la vie des femmes et dont la prise en charge reste parfois impossible quand les informations adéquates ne sont pas données et quand les barrières des traditions ne sont pas brisées.
La fistule obstétricale reste une pathologie grave et jusqu’à ce jour, certaines femmes atteintes découvrent tardivement que ce n’était pas un sort qu’on leur a lancé. Alors, fistule obstétricale, qu’est-ce que c’est en réalité ?
La fistule obstétricale est l’une des lésions les plus graves et les plus dangereuses susceptibles de survenir lors d’un accouchement. Il s’agit d’une perforation entre le vagin et la vessie et/ou le rectum, due à un travail prolongé et qui se produit en l’absence de soins obstétricaux rapides et de qualité. Elle provoque une fuite d’urine et/ou de matières fécales par le vagin, et entraîne à plus long terme des problèmes médicaux chroniques.
Peut-on guérir de cette maladie ?
Cette pathologie se soigne quand la femme qui en souffre a les bonnes informations et décident de venir vers un spécialiste. Dans nos contrées, certaines croyances limitent l’accès aux soins pour des pathologies comme la fistule obstétricale car cette affection est un sujet de honte. La femme qui a une fistule obstétricale a peur de rester parmi ses semblables à cause des odeurs qu’elle dégage. Elle est parfois répudiée par son conjoint, rejetée hors du cercle familial et est sujette à la dépression. Beaucoup de personnes croient que la fistule obstétricale est la punition divine que reçoit une femme quand elle commet l’adultère et tenez-vous bien, cette pensée est très bien ancrée dans certaines sociétés, que ce soit en Afrique ou en Asie par exemple. Cette pathologie se soigne chirurgicalement bien que certaines peuvent se refermer d’elles-mêmes.
Parlez-nous des femmes qui sont les plus exposées
Dans la majorité des cas, ce sont les femmes issues de milieux défavorisés, avec un accès limité aux soins de santé primaires (consultation prénatale, échographie, césarienne), un accès limité aux agents de santé adéquats compliqué par l’inexistence de centre de santé avec un bon plateau technique et un accès limité à la bonne information qui en souffrent. N’oublions pas aussi le fait que les traditions participent à garder les femmes dans un cocon d’ignorance et parfois, une emprise disproportionnée du patriarcat favorise cette pathologie. Certaines femmes n’ont accès aux soins de santé que si leurs conjoints le veulent.
Votre mot de fin
Il est heureux de constater que les choses évoluent petitement et que les gouvernements luttent pour que les femmes puissent se faire soigner comme il le faut et surtout que les moyens soient mis à leur disposition.
Les conséquences physiologiques, sociales et psychologiques sont terribles. La vie des femmes touchées par cette blessure s’accompagne de souffrances physiques et émotionnelles à long terme. En effet, la fistule peut provoquer des infections, des ulcères, des maladies rénales, des plaies douloureuses, l’infertilité et même la mort. Les odeurs résultant des incontinences permanentes isolent les femmes, qui se retrouvent souvent couvertes de honte et stigmatisées, abandonnées par leurs amies et rejetées par leur communauté. Elles souffrent de dépression, d’idées suicidaires et d’autres troubles de la santé mentale. Privées de la possibilité de gagner leur vie, elles s’enfoncent de plus en plus profondément dans la pauvreté et la vulnérabilité. Propos recueillis par Farrida OURO-ADOÏ