Restitution : au Nigeria, Benin City retrouve ses trésors spoliés

« Aujourd'hui, nous sommes ici pour rendre les bronzes du Bénin à leur place, au peuple nigérian », a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, lors de la remise officielle le 21 Décembre 2022 dans la capitale nigériane, Abuja. « Nous sommes ici pour réparer un tort », a-t-elle ajouté, citée par la chaîne de télévision allemande DW. 

Le terme « bronzes du Bénin » fait référence à des milliers de sculptures, plaques et gravures en métal réalisées entre les XVe et XIXe siècles et pillées par les troupes britanniques en 1897 dans le royaume ouest-africain du Bénin, dans l'actuel État d'Edo, au Nigeria. Ces objets culturels ont plus tard été vendus aux enchères à des musées et des collectionneurs privés en Europe et en Amérique du Nord.

« Nous voulons rendre ce qui ne nous a jamais appartenu », a déclaré Annalena Baerbock. Elle a ajouté que l'Allemagne et d'autres pays européens doivent écouter ceux qui ont été victimes de la cruauté coloniale et travailler à des réparations.

 En effet, ces sculptures, appréciées pour leur beauté et leur technicité, ont une signification spirituelle et historique pour les habitants de cette partie du Nigeria. Leur vol reste encore un point de douleur pour les descendants de l'ancien royaume du Bénin. Il faut également souligner que ces trésors ne sont qu'une petite partie des 1.130 artefacts volés conservés dans plusieurs musées d'Allemagne.

Des trésors éparpillés à travers le monde occidental

Un accord avait été conclu le 1er juillet dernier entre Berlin et le gouvernement nigérian après des années de négociations pour la restitution d'œuvres. Les musées concernés par ces restitutions sont ceux de Linden à Stuttgart (Sud), de Grassi à Leipzig (Est), le Markk à Hambourg (Nord), le musée Rauten-Joest à Cologne (Ouest), ainsi que le Musée ethnologique de Berlin.

À lui seul, le Musée ethnologique de Berlin possède 530 objets historiques provenant de l'ancien royaume du Bénin, dont 440 bronzes, considérés comme la plus importante collection après celle British Museum de Londres. Pour avoir une idée de l'ensemble des artefacts présents dans le monde, le musée allemand Markk, situé à Hambourg, a mis en place le projet Digital Benin, ce qui a permis d'identifier plus de 5 240 œuvres pillées en 1897 et conservées dans 131 musées à travers près de 21 pays.

Panser des plaies

Le retour de ces œuvres au Nigeria « montre combien l'Allemagne prend au sérieux le travail de mémoire de son passé colonial », a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Pour Alhaji Lai Mohammed, ministre nigérian de l'Information et de la Culture, « il y a 20 ans, il y a même 10 ans, personne n'aurait pu anticiper le retour de ces bronzes au Nigeria, car les obstacles à la réalisation du rapatriement étaient apparemment insurmontables », rapporte DW. « Mais, aujourd'hui, avec le geste pionnier d'une nation amie, l'Allemagne, l'histoire a changé. » Cette initiative s'inscrit dans une série de mesures prises récemment par l'Allemagne pour tenter d'assumer les crimes de la période coloniale, comme la reconnaissance officielle en mai 2021 d'un génocide perpétré en Namibie.

Le réveil des institutions internationales

Depuis une dizaine d'années, le Bénin Dialogue Group travaille au rapatriement de ces artefacts. La Commission nationale nigériane des musées et des monuments a émis des demandes officielles de rapatriement aux musées du monde entier. Les négociations de l'Allemagne avec le Nigeria ont accéléré le dialogue avec d'autres nations, institutions et musées, selon le ministère de l'Information et de la Culture. Le Metropolitan Museum, le Smithsonian et les musées et jardins Horniman de Londres font partie de ceux qui ont accepté de restituer des artefacts au cours des dernières années. Il y a un mois, le musée britannique Horniman annonçait qu'il restituerait 72 objets, ce qui en fait le premier au Royaume-Uni à prendre officiellement une telle mesure.

Le Nigeria célébrera l'arrivée des premiers bronzes à travers une grande exposition publique au début de 2023. Au-delà, d'ici à 2026, le gouvernement prévoit d'ouvrir le musée Edo d'art ouest-africain à Benin City, conçu par l'architecte anglo-ghanéen David Adjaye, pour abriter la plus grande collection de bronzes béninois. Le point Afrique

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